Une histoire de famille

À l’âge de 14 ans, mon père a commencé son apprentissage chez un boucher charcutier de Saint-Jean-Pied-de-Port M. Pécoits lui a tout appris : le salage des jambons à la main, l’affinage naturel à l’air libre au gré des vents et des saisons, et lui a transmis la passion du métier. Eric OSPITAL

Il était une fois

En 1971, mon père a 20 ans, il se marie et décide d’ouvrir sa proche boucherie-charcuterie avec ma mère à Hasparren. Il élabore des jambons qu’il affine naturellement à l’air libre et de la bonne charcuterie. La preuve, il obtient dans les années 1980, avec son chef Jean-Pierre Goiceochea, un passionné lui aussi, deux palmes d’or du jambon cuit supérieur maison, décernées par la Confédération nationale des charcutiers-traiteurs.

Hasparren, petite ville d’Aquitaine, est alors en plein essor grâce à la présence de fabricants de chaussures, d’espadrilles. Mon père décide donc d’orienter son entreprise vers le métier de traiteur. Et cette idée est bien reçue. Il développe cette activité en préparant des baptêmes, des communions, des mariages, mais aussi des plats cuisinés.

Lorsque je suis rentré travailler avec mon père, mon expérience a permis d’amener une petite touche personnelle aux plats cuisinés. Nous passions de longues heures à travailler, il y avait 15 salariés ; mes parents étaient contents, car ils vivaient de leur travail.

Un tournant

Un jour, après avoir préparé un banquet de 1500 personnes, je dis à mon père à la fin du service alors que nous rangions le matériel : « Je pense qu’il faut revenir à la source, faire ce que tu faisais au début : le jambon et la charcuterie, affinés à l’air libre. On gagne de l’argent, mais au détriment d’une qualité de vie et d’un objectif : rester artisan ». Pour ma part, j’ai besoin d’une ligne dans la vie, il n’y a pas que l’argent, il y a aussi prendre du plaisir à ce que l’on fait. Nous sommes à la fin des années 1990, et l’entreprise prend un virage. Mon père était un peu réticent, mais avait une grande confiance en moi.

Je décide de monter à Paris avec ma femme, après la naissance de mon fils Louis. Je vais voir Yves Camdeborde, qui va m’ouvrir les portes de plusieurs restaurants et les cuisines du ministère des Affaires étrangères. Une belle histoire commence, et le carnet de commande se remplit.

Il y a maintenant 22 personnes qui travaillent dans l’entreprise, dont des apprentis.

Des produits de grande qualité

En tant qu’artisans soucieux du produit artisanal et traditionnel que nous commercialisons et que nous consommons, nous avons revu toutes nos recettes, privilégiant la qualité des matières premières à leur tarif. Nous avons choisi de travailler exclusivement avec des producteurs et des artisans locaux, passionnés par leurs produits tout comme nous, afin de nous approcher le plus possible d’un produit authentique, naturel et artisanal.

Par exemple, nous élaborons notre jambon blanc avec un assaisonnement et une décoction (méthode d’extraction de principes actifs) qui nous est propre : bouillon neutre (sans sel) à base de légumes frais (oignons propres avec la peau, carottes, poireaux, thym, laurier, baies de genièvre, clous de girofle, ail avec sa peau) dans lequel nous avons ajouté du miel d’acacia nous permettant d’obtenir une couleur orangée. Nous restons convaincus que le savoir-faire artisanal, sans tromperie ni artifice, est un patrimoine à préserver. Mais il n’y a pas que le jambon, nous travaillons la carcasse du cochon : des pieds à la tête, tout peut être commercialisé et consommé. Et comme le dit l’adage : « tout est bon dans le cochon ».

Une histoire de jambon

Année 1985 : les charcutiers Jeatou et Jacques Montauzer, Sauveur Mayté et Louis Ospital - le père d’Eric - se retrouvent à la foire au jambon de Bayonne. Ils fêtent comme il se doit leurs retrouvailles autour du jambon et décident d’unir leurs efforts pour imaginer un jambon...

Région et affinage naturel

Avec une tradition plus que millénaire, liée à son climat et à sa géologie, le Pays Basque possède tous les atouts pour élaborer des jambons.

Eau, végétation touffue, sels abondants, c’est la seule région capable de produire le sel nécessaire au salage des jambons.

Les rares gelées, l’alternance d’un temps doux et frais avec de brusques réchauffements en hiver, les mouvements créés par la barrière des Pyrénées, l’effet de foehn (vent sec et chaud soufflant en hiver au Pays Basque) jouent un rôle dans la pénétration du sel et l’affinage des jambons. Telles sont les conditions idéales à l’élaboration de jambons de grande qualité.

Une association entre charcutiers et éleveurs

Pas de bons jambons sans de bons cochons. À l’époque, les charcutiers rencontrent deux éleveurs. Ils définissent ensemble un cahier des charges rigoureux. Ils décident de croiser plusieurs races de cochons (large white, piétrain, duroc…) ; de leur donner une alimentation saine aux céréales sans OGM, sans antibiotiques et sans farines animales ; de les élever pendant un minimum de 12 mois jusqu’à ce que leur poids atteigne au moins 180 kg.

Cette volonté d’un travail commun rejoint le principe d’équitabilité selon lequel les éleveurs peuvent vivre du fruit de leur travail.

Le savoir-faire du charcutier

Les charcutiers perpétuent la méthode ancestrale de la salaison : les jambons sont frottés lentement à la main au sel sec de Salies-de-Béarn - qui permet une longue conservation - et vont rester ainsi environ un jour par kilo au sel. Séchés à l’air libre, naturellement, dans un grenier, les jambons vont ainsi s’affiner au gré des vents. Vingt mois d’affinage au minimum sont nécessaires pour acquérir toute leur saveur et leur texture fondante.